A découvrir en ligne : Facebook et la bd

Avec l’arrivée de Facebook, beaucoup d’artistes sont devenus connus : en publiant en ligne leurs chansons, films ou bien pages de BD… et c’est justement d’auteurs de bande-dessinés que je vais vous parler. Deux auteurs qui se sont vite fait un nom grâce à leur manière personnelle d’aborder l’humour noir, un style dont je suis très fan.

Eric Salch

Je commence par celui que j’ai connu en premier, le dessinateur Salch, sur le Facebook d’un de mes auteurs préférés : Stéphane Bourgoin (écrivain spécialiste des tueurs en séries), il s’est fait un nom grâce à ses Lookbook moqueurs et agressifs.

Ses illustrations des personnes que l’on croise dans la rue ou à la télé sont volontairement méchantes, très caricaturales et vulgaires mais c’est néanmoins très drôle ! Salch connait le Lookbook car il a travaillé pendant longtemps dans la mode avant que la boite qui l’employait ne ferme.

Les illustrations de Salch sont remplies d’insultes et de moqueries mais sont également une critique des réflexions que certains d’entre nous se font quand on croise des individus en particulier. L’idée d’Eric Salch était de faire de la BD simple et pas prise de tête, en s’inspirant du travail de Reiser et Gotlib, qu’il décrit comme respectivement son papa et son grand-père de la BD.

Salch a commencé la BD en 2007 avec Eldiablo (créateur de la série Les lascars ) sur « La rage de vaincre ». En 2015, il se fait véritablement connaitre avec sa première BD en solo «  les meufs cool », dans lequel il évoque avec un humour son divorce, le célibat et ses fameuses meufs cool avec qui il passait du temps. Et puis un jour, alors qu’il s’ennuie sur internet, il voit la campagne publicitaire du site de rencontre « Adopte un mec » sur les Hipsters et aussitôt, il décide de prendre un papier, un crayon et d’en faire le croisement entre une caricature et un lookbook méchant et le diffuse sur Facebook. Le succès vient immédiatement et depuis il s’en est pris à n’importe quelle classe sociale : chauffeur de taxi, chasseur, rappeur, cadre supérieur, militant du front national, abstentionniste des présidentielles 2017 , présentateur télé, supporter de foot de l’Euro 2016… la liste est longue !

Il est rapidement repéré par le grand Manu Larcenet, auteur des BD « Le combat ordinaire » ou « Blast », ce qui lui permet de booster sa carrière chez le magazine de son idole Gotlib : Fluide Glacial. Ensemble, ils préparent une série de bandes-dessinés intitulée « Les branleurs », dans laquelle ils évoquent à leur manière les difficultés à être des auteurs de BD en panne d’inspiration, le premier tome est déjà disponible.

Aujourd’hui, Eric Salch a 44 ans et continue ses BD avec cet humour nouveau, brutal et simple mais qui fait quand même rire, sa manière de dessiner est toujours caricaturale mais est adaptée avec ce qu’il raconte. Il mérite d’être suivi de près pour la simplicité de la lecture de ses livres sur la vie de père divorcée, ou bien ses Lookbook remplis d’insultes mais qui changent des formats « tout gentil » !

Marsault

Maintenant je vais vous  parler d’un auteur au talent évident mais dont la malchance, de multiples signalements sur Facebook suites à certains de ses dessins, fait qu’il est vite devenu le dessinateur actuel le plus controversé de France : Marsault.

Agé de 29 ans, Marsault est devenu une vedette sur les réseaux sociaux grâce à ses dessins représentant le personnage appelé Eugène dans différentes scènes finissant plusieurs fois violemment afin de parler de ce qui ne va pas dans notre société. Revendiquant Gotlib comme référence principal, Marsault a commencé très jeune le dessin en reproduisant d’abord des personnages de l’univers d’Astérix. Il commence à forger son propre univers vers ses 18 ans et, de ses 20 à 24 ans, il tente de faire éditer les dessins de sa première BD appelée « Sans filtre » dans des grandes maisons d’éditions, tel Casterman et Gallimard, qui refuseront ; il finit par s’autoéditer.

Ensuite vient son arrivée sur Facebook. Le succès arrive vite au début mais les ennuies aussi, des pages féministes ou antiracistes signalent régulièrement sa page et finissent par la faire fermer pour de bon en août 2015.
Mais pourquoi autant de haine envers des dessins ? Les dessins de Marsault nous donnent sa vision des sujets tabous de notre société comme le harcèlement de rue, l’homophobie, le racisme et beaucoup d’autres idées, mais il fait également beaucoup de dessins simplement pour faire marrer les gens. Seulement voila, il utilise énormément la provocation pour faire parler de ses dessins, il s’en sert souvent pour parler des sujets qui lui tiennent à cœur.

En exemple, une de ses illustrations parlait du harcèlement de rue avec comme personnage un jeune homme estimant que c’est « un peu normal » que des femmes s’habillant de façon provocante se fassent  violer, en guise de réponse, Marsault dessine dans les cases suivantes Eugène lui tirant un missile dans sa direction avec une réplique cinglante. Sur ce dessin évidement violent, la violence provient surtout des propos du jeune homme et non de l’acte d’Eugène.
Possédant ses albums intitulés « Breum » dans lequel on voit le fameux Eugène, et ayant lu plusieurs fois ses pages, pas une seule fois j’ai vu de soi-disant racisme ou de la misogynie, que ce soit dans les dessins ou le texte.

Dans une interview, Marsault a déclaré être surpris de la diversité culturelle de ses fans, provenant de divers milieux sociaux ou religieux, il estime que ces gens ont juste besoin de se marrer et, en cette période remplie d’infos tristes, ça fait du bien de voir ce genre d’humour à la fois très critique et drôle.

Pierre Desproges a dit « On peut rire de tout mais pas avec n’importe qui » et Marsault fait preuve d’une liberté d’expression très poignante, on peut être d’accord pour dire que son travail ne plaira pas à tout le monde. Il a d’ailleurs eu des difficultés à trouver un éditeur pour les deux tomes de « Breum » mais fût contacté par la maison d’éditions Ring, connue pour éditer des auteurs polémiques tel Stéphane Bourgoin ( qui m’a fait découvrir Ring et plus tard Marsault avant sa mauvaise période ) ou bien Pierre-André Taguieff, écrivain luttant contre le racisme avec ses œuvres.

Marsault est pour beaucoup le nouveau Gotlib et il est vrai que son travail est similaire à ce qu’a fait le regretté grand nom de la BD française, parlant de divers sujets et faisant preuve d’un humour noir efficace. Il ne mérite pas tant que ça d’être aussi brutalement attaqué, il a ses opinions et comme tout individu, il a le droit de les exprimer. Son travail fourni une grosse dose de second degré mais aussi un semblant de réflexion, je ne peux que vous conseiller de suivre cet auteur d’abord en lisant les deux tomes « Breum », histoire de vous faire une idée de son univers et, comme le dit David Serra le directeur des éditions Ring : «  Marsault, c’est la rencontre entre Gotlib, Tyson et Bukowski ».